lundi 24 octobre 2011

Un mot pour la route

 
Il faut d’abord séparer le sujet des coûts environnementaux dans deux grands groupes : le premier est celui des coûts qui peuvent être identifiés (par exemple la gestion des matières résiduelles ou le recyclage), mais qui sont cachés dans les frais généraux d’une entreprise, et le deuxième est celui des coûts des externalités qui sont très difficiles à mesurer, surtout lorsqu’on veut calculer les impacts sociaux. Dans ce dernier groupe, les mesures des coûts peuvent devenir très techniques et il y aurait une besoin pour les comptables de pouvoir comprendre ce langage.


À continuation, l’on présente un schéma qui résume la composition des coûts environnementaux dans le but de mieux comprendre le sujet.


                                                                      Source: Boisvert et al. 2011: 625


Il sera question dans ce qui suit de la dichotomie à laquelle fait face la comptabilité financière et de management; à savoir: doit on oui ou non inclure ces externalités dans nos systèmes comptable avec toutes les implications que cela présuppose? si oui, est ce que c'est faisable? Nous n'avons pas dans ce Blog la prétention de répondre à cette question, mais nous nous proposons de jeter un peu plus de lumière sur le sujet et nos offrons au lecteur un coffre à outils utile à la mise en pratique éventuelle d’une comptabilité verte plus globale et plus exhaustive.

Les externalités dans les couts environnementaux :


Le concept de l’externalité a été introduit par Pigou pour corriger l’incapacité du marché à prendre en charge les problèmes liés à la dégradation de l’environnement et à la répartition des coûts. Pigou le définit comme “ un effet de l’action d’un agent économique sur un autre en dehors du marché”.


Dans le contexte comptable, l’externalité fait référence à l’absence du traitement d’un coût dans le système comptable, il s’agit souvent des coûts sociaux ou environnementaux, donc au lieu que l’entreprise subis ces coûts, c’est l’autre agent économique à savoir les ménages qui les payent (Breuil et al., 2001)


L’objectif de la régulation environnementale est d’internaliser les coûts provoqués par la pollution dans le prix du produit. Mais cet objectif se heurte à plusieurs obstacles qui se lient directement à la difficulté de mesure.


Comment évaluer les coûts environnementaux? Comment estimer le coût d'un paysage, d'une vie humaine, de l'air pur, de façon acceptable par tous? Comment prendre en compte le coût de la dégradation définitive de certaines ressources?


En effet, faire de la comptabilité environnementale, c’est d’abord rassembler de l’information en vue d’évaluer les coûts et risques environnementaux et notamment estimer ce que coûte l’internalisation de certaines externalités.


L’externalisation et les problèmes de mesures :
Les coûts externes des systèmes industriels sont supportés principalement par la population à travers la dégradation environnementale régionale comme les écosystèmes naturels, la faune et la flore, l’agriculture ainsi que les impacts environnementaux mondiaux, comme le changement climatique provoqué par les gaz à effet de serre.
Les problèmes méthodologiques soulevés par l’évaluation des coûts externes environnementaux causent principalement une difficulté à chiffrer ces coûts et donc la notion d’externalité apparaît donc comme le seul critère objectif pour classer ces coûts.
Le périmètre de la nuisance des coûts externalisé : la mesure de l’étendue géographique de la nuisance environnementale des entreprises est presque impossible à déterminer. Or, pour une évaluation fiable des coûts externalisés, il faudra se doter de cette information. En matière de comptabilité environnementale, il faudra dépasser le cadre limité de l’entreprise pour extraire un certain nombre d’informations qui ne sont pas forcément produites ou contrôlées par les entreprises.


Déterminer par exemple, le périmètre dans lequel l’entreprise est responsable de ses coûts environnementaux externalisés complique la mesure de ces coûts objectivement.


L’importance de la nuisance des coûts externalisés: Pour évaluer correctement ses coûts  environnementaux externalisés, une entreprise a besoin de savoir de manière exhaustive quelle est l’importance de nuisance qui découle de son activité. Il faut signaler que la lutte contre un type de polluant en trouvant un substitut à un produit peut parfois, déplacer le problème et ne pas le résoudre définitivement. Par exemple, diminuer les risques de participer à la formation de trous dans la couche d’ozone peut favoriser l’émission de polluants contribuant à l’effet de serre. Donc, l’entreprise est rarement en mesure de connaître les effets ultimes des polluants qu’elle émet.


L’externalisation et la comptabilité environnementale:
Les problèmes d’évaluation qui ont été abordés dans le paragraphe précédent ne portent pas sur les méthodes comptables d’évaluation, mais sur la difficulté à cerner l’objet de l’évaluation.
Par ailleurs, les outils traditionnels de la comptabilité n’offrent pas aussi une information adaptée aux besoins spécifiques liés aux enjeux environnementaux, ce qui augmente la pratique de l’externalisation des couts environnementaux.


En effet, plusieurs réformes doivent toucher la pratique comptable pour présenter une information plus fiable relative aux couts environnementaux et donc évaluer correctement les coûts externalisés afin de les inclure dans les comptes internes des entreprises.


Du côté de la comptabilité de management, les attentes face à la comptabilité environnementale portaient à la base sur les outils d’aide à la décision, le contrôle de gestion et les systèmes d’information. Premièrement, les outils d’aide à la décision devaient être en mesure d’isoler la composante environnementale et mesurer les coûts externalisés, les risques et les possibilités actuels et futurs liés à l’environnement (CMA, 1999).


Deuxièmement, les mécanismes développés en contrôle de gestion devraient offrir des perspectives intéressantes pour les gestionnaires à travers des techniques d’évaluation pertinente afin de mieux évaluer les impacts de leurs décisions qui visent principalement à mesurer les coûts externes. L’élaboration d’objectifs environnementaux ainsi que d’indicateurs de performance environnementale sont quelques exemples de pratiques en contrôle de gestion environnementale pour traiter le sujet de l’externalisation. Aussi, l’éco-contrôle est devenu une pratique adopté par les professionnels comptables.


Les attentes face au contrôle de gestion comprennent également le déploiement de systèmes d’information en mesure d’identifier les différentes opérations à caractère polluant pour bien détecter les indicateurs relatifs au cout externalisé et donc pouvoir les quantifier.


Les attentes relatives à la comptabilité financière couvraient principalement le développement des normes comptables qui traitent les aspects et des risques environnementaux, et dans ce sens il faudra préciser que les normes internationales IFRS n’ont pas accordé aux  problèmes relatifs à la comptabilité environnementale une importance relative à cause de la complexité des mesures dans cette discipline.

RÉFÉRENCES:
  •       CMA CANADA (1996). Tools and techniques of environmental accounting for business decisions. Management accounting practices handbook, Hamilton.
  •        Marc Olivier Michaud. Mémoire : L’émergence de la comptabilité environnementale, évaluation des pratiques et des perspectives. Université de Sherbrooke, 2008.
  •      Bernard Christophe. La comptabilité environnementale : Les nouveaux enjeux pour l’auditeur comptable. Revue The Certified Accountant, juillet 2004. 
  •        Florent Breuil, Julie Fortin, Natacha Gondan. Le développement durable, enjeux économiques et réglementaires. http://e-sige.ensmp.fr consulté le 4 octubre 2011.

La boite à outils


Tel que énoncé précédemment : il nous semble important de fournir au lecteur des outils qui pourront l’aider à mieux cerner les enjeux environnementaux dans une perspective comptable. Cela passera d’abord par une présentation sommaire de la comptabilité de management environnementale, et nous enchainerons par trois outils qui sont le Life Cycle Costing, la chaîne de valeur élargie et pour finir, les indicateurs de performance environnementaux.  

EMA : Comptabilité de gestion environnementale

Christine Jasch définit l’EMA comme[1] une approche combinée qui permet grâce à des données provenant de la comptabilité financière de management ainsi que  les soldes des flux de matières; d’augmenter l’efficience des ressources physiques et  de  diminuer les risques et impactes environnementaux ainsi que les coûts de protection de l’environnement. L’information relative aux soldes des flux de matières : eau, énergie et matériaux, le tout calculé sur la base d’unités physiques est un élément central de l’EMA.

Cette définition nous semble d’autant plus pertinente, du fait quelle s’accorde avec la recommandation de F.Birkin qui écrit que  L’EMA ne doit pas devenir un  système de gestion parallèle à celui qui existe déjà, mais elle doit s’intégrer aux processus existant[2], car si tel n’est pas le cas elle ne ferait qu’encombrer une gestion généralement déjà bien assez bureaucratisé.

Les principaux champs d’application de l’EMA sont [3] :
  • Évaluation des coûts/dépenses environnementaux annuels 
  • Les prix des produits
  • Budgétisation
  • Évaluation des investissements, calcul des options d'investissement
  • Calcul des coûts et des économies des projets environnementaux.
  • Conception et mise en œuvre des systèmes de gestion environnementale.
  • évaluation des performances environnementales, les indicateurs et Benchmarking.
  • Fixer des objectifs quantifiés de performance
  • Production plus propre et projets d'éco conception.
  • Divulgation de l’information sur le développement durable.
  • D'autres rapports de données environnementales pour les agences statistiques et les autorités locales.

Le point de départ de l’EMA comme toute comptabilité est l’identification des coûts et des revenues, sauf que dans ce cas ces informations sont moins évidentes qu’en comptabilité financière ou analytique et beaucoup de comptables ont du mal à les trouver. Les coûts se divisent en quatre catégories : ceux encourus pour la disposition des déchets et le traitement des émissions – les coûts liés à la prévention et la gestion de l’environnement – la valeur des coûts d’achats des déchets matériels – et finalement les coûts de production des extrants Non-produit.

Les revenues quant eux se résument aux subventions et récompenses ainsi que les revenues de la disposition de déchets recyclables, ou la vente de l’énergie ou  l’eau traitée excédentaires produits on-site.

Les objectifs économiques et environnementaux visés par l’entreprise coïncident au niveau opérationnel : puisque en optimisant l’utilisation des ressources physiques on économise de l’argent [4].



[1] C. Jasch, The use of Environmental Management Accounting (EMA) for identifying environmental costs Journal of Cleaner Production 11 (2003)
[2] Environmental management accounting Birkin, Frank  Financial Management; Feb 1996
[3] Environmental Management Accounting Procedures and Principles,  UNITED NATIONS, New York, 2001
[4] Idem.


La chaîne de valeur élargie

La chaîne de valeur traditionnelle vise à générer la valeur au consommateur.  Premièrement, les activités qui n’ajoutent aucune valeur devraient être éliminées.  En outre, les entreprises devraient réduire les activités qui augmentent la valeur, mais à un coût élevé.  Le modèle ci-dessous montre les critères typiques, qui motivent  les compagnies. 
 
                            
La plupart des organisations préféreraient  rester dans les cellules « D » et de maximiser les profits et/ou la valeur au consommateur.  Le point d’indifférence pour une activité ou processus, caractérisé par la cellule « N » est le seuil de rentabilité où le client n’est ni satisfait ni insatisfait.  Les cellules « A » sont les zones grises, qui signalent des opportunités disponibles aux entreprises d’être plus sensibles aux besoins des clients ou d’être plus efficaces. 

La limite de cette perspective dans un contexte environnemental est le rejet des mesures ou processus plus durables, qui aussi réduisent la rentabilité.  Cependant, la demande des clients voulant protéger l’environnement et le concept de la responsabilité sociale encouragent le changement.  Pour éviter la perte des clients et sauvegarder la réputation de leur marque, plusieurs compagnies multinationales ont répondu à ces tendances émergentes.  En 2008, selon un sondage fait par KPMG, les résultats ont montré que 80% des 150 compagnies « Global Fortune », révélaient leur performance durable. La plupart d’eux appliquaient les directives de l’organisme hollandais « Global Reporting Initiative », dont un des facteurs clés est la chaine de valeur.[1]  Les chercheurs Dutta et Lawson (2008) proposent un modèle afin d’incorporer les effets environnementaux dans l’évaluation de la valeur ajoutée. 

                         
Ce cadre étendu suggéré permet l’utilisateur d’évaluer l’impact de son « empreinte de carbone ».  Au premier départ, on remarque que les cellules du modèle traditionnel correspondent au point où il n’y a aucun effet environnemental.  Pourtant, les impacts négatifs sur l’environnement transforment les activités et le processus qui donnaient la satisfaction et étaient tout à fait rentables, de « D » à « A ».   En revanche, les activités complètement indésirables qui méritaient le rejet dans l’ancien modèle deviennent pertinentes puisque les conséquences écologiques nuisibles sont minimisées.  En considérant ce troisième axe, le but est d’améliorer la prise de décision en éliminant les activités qui génèrent des mauvaises conséquences, et d’examiner à nouveau le processus avec des résultats ambigus.  

Le modèle applique non seulement aux activités et au processus internes d’une organisation, mais aussi à la chaine de valeur de l’industrie.  Ceci est reconnu comme le lieu plus répandu qui maximise les opportunités pour la conservation d’énergie (Dutta & Lawson, 2008).  Récemment, le focus a été sur les matières premières, les sources, la manière de production et l’impact de ces procédés.  Très souvent, les dégâts immédiats arrivent durant l’étape de l’acquisition.  Par exemple, Greenpeace a publié un rapport révélateur qui a démontré le lien entre la déforestation illégale dans l’Amazone et la vente de bœuf et de cuir de cette région aux grandes compagnies comme Adidas, Nike, Toyota et Kraft.[2]  La compagnie Kinko’s a choisi d’augmenter la quantité du papier recyclé utilisé pour imprimer et photocopier.  Le modèle traditionnel prescrit que la compagnie n’entreprend pas cette décision parce qu’il n’y a pas de valeur ajoutée et les clients seraient indifférents ou insatisfaits.  Néanmoins, en considérant l’« empreinte de carbone », on estime que l’utilisation du papier recyclé conserve 18 850 tonnes de bois par an. [3] 
                
Malheureusement, le défi principal de la gestion d’une chaîne de valeur étendue durable est le coût.  Par exemple, les éleveurs des bovins uruguayens utilisent les circuits intégrés pour suivre les veaux.  La technologie coûte environ 20$ américain par animal, qui va hausser le prix du fournisseur.    L’acheteur désirant être plus durable doit analyser l’impact du coût sur la marge bénéficiaire attendue.  Dépendant de la taille de la compagnie, on peut avoir des avantages des économies d’échelle.  L’autre option est d’augmenter le prix de vente.  La compagnie américaine, Home Depot, est le plus grand marchand des produits ayant le sceau « FSC », qui certifient l’acquisition de bois selon les règles forestières durables.  Pourtant, les tests montrent que seulement un tiers des clients paieront une prime de 2% pour un produit certifié.[4]

Le deuxième défi, même si les consommateurs sont indifférents aux primes ajoutées, est la fiabilité de l’information.  Même si un fournisseur est certifié, c’est presque impossible de vérifier.  Puis on dépense l’argent pour rien.  En plus d’un manque de standardisation des processus durables, le problème devient plus complexe quand les marchands achètent leurs matières premières des intermédiaires.  Une plantation en Indonésie peut être certifiée comme producteur durable de l’huile de palme, mais à l’étape de l’intermédiaire, qui reçoit le même produit de plusieurs sources, c’est physiquement impossible de différencier l’origine de l’un à l’autre quand tous sont mélangés.[5]  Une possibilité pour mitiger cet aspect est d’acheter directement de la plantation.  Cependant, l’entreprise doit décider s’il vaut la peine d’encourir tel coût.

Malgré la popularité du concept du développement durable, l’activisme et la pression des clients ne durent pas longtemps.  Pour motiver un changement permanent de la perspective, on a besoin d’intervention gouvernementale.  Aux États-Unis, la loi de l’ « Energy Policy » votée en 2005 donne les crédits d’impôt fédéraux aux commerces qui achètent les produits à faible consommation d’énergie.[6]  On doit continuer de fournir et aussi étendre telles incitations aux entreprises.


[1] Cheney, G., ‘Sustainability Looms as a Bigger Issue’, Accounting Today, Vol. 23, Issue 8, May 18-31 2009, p. 8-9
[2] Anonymous, ‘The Long Road to Sustainability’, The Economist, Vol. 396, Issue 8701, Sep. 25 2010, p. 12-13
[3] Dutta, S. and Lawson, R., ‘Broadening Value Chain Analysis for Environmental Factors’, Cost Management, Vol. 22, Issue 2, March/April 2008, p. 5-14
[4] Anonymous, ‘The Long Road to Sustainability’, The Economist, Vol. 396, Issue 8701, Sep. 25 2010, p. 12-13
[5] Anonymous, ‘The Other Oil Spill: The Campaign Against Palm Oil’, The Economist, Vol. 395, Issue 8688, Jun. 26 2010, p. 71-73
[6] White, G.B., Van Alst, L. and Ledbetter, J., ‘Environmental Management Systems: Benefits of Adoption and Proposed Tax Incentives’, Cost Management, Vol. 22, Issue 4, July/August 2008, p. 35-39
ABC et Life - Cycle Costing

 

Aujourd’hui, les entreprises ont un souci commun qui est le potentiel de pertes futures dû à l’importance croissante de la responsabilité qu’elles ont envers l’environnement et la société. Donc, il y a un besoin croissant de déterminer comment allouer les coûts environnementaux aux produits, et une des solutions proposées est la fusion de l’Activity Based Costing – ABC — et du Life-Cycle Costing – LCC — comme techniques pour réaliser cette allocation.
LIFE CYCLE COSTING –LCC- :
LCC est « une approche dans le champ de la comptabilité de management qui se concentre sur les coûts totaux qui surviennent pendant la vie d’un produit » (Lindholm et Soumala, 2007 : 1), c’est-à-dire dès sa phase de recherche et conception jusqu’à sa phase d’élimination. De cette façon, on ne tient pas compte seulement des coûts de fabrication, ce qui est l’approche traditionnelle, mais l’on élargit la vision et le traitement des coûts.

La méthode consiste à comprendre la nature du cycle de vie d’un produit et les activités qui sont réalisées pendant chaque étape (Lindholm et Soumala, 2007 : 655) afin d’identifier les coûts dans chaque phase. Ensuite, il faut actualiser les coûts futurs au présent dans le but de prévoir les possibles risques, les opportunités et aussi les produits qui ne sont pas rentables à cause de l’inclusion de ces coûts ultérieurs (par exemple les coûts environnementaux).
Il est important d’identifier les types des coûts environnementaux qui selon Caron et al (2006) peuvent se classifier comme suit :



Source : Caron et al, 2006 : 3
De cette façon, c’est l’entreprise qui doit décider jusqu’à quel niveau veut-elle reconnaître et allouer ces coûts environnementaux en absence d’un cadre législatif qui la force à atteindre le niveau 3.  
Néanmoins, si une entreprise veut être certifiée, elle doit satisfaire aux critères énoncés  par l’organisme de certification. Ainsi, il a été nécessaire de normaliser le processus de l’analyse de cycle de vie afin qu’elle soit crédible et comparable. C’est avec la norme ISO 14040, qui décrit les principes et le cadre pour réaliser une analyse de cycle de vie et avec la norme ISO 14044, qui décrit les exigences et les lignes directrices que ceci a été fait.[1]
ACTIVITY BASED COSTING –ABC- :
La comptabilité par activités est un outil qui rend possible une meilleure gestion des coûts, surtout lorsque la proportion des coûts indirects est significative, car elle permet de mieux les allouer et d’identifier ceux qui sont cachés dans les frais généraux.
En utilisant la méthode traditionnelle, qui alloue les coûts en fonction du volume comme principal inducteur, on peut avoir des chiffres qui ne correspondent pas au coût de revient véritable d’un produit ni à sa rentabilité. Donc, il est essentiel de déterminer ces coûts et voir leur poids dans les frais généraux, car il se peut qu’il y ait une mauvaise allocation qui fournit de l’information erronée. Néanmoins, l’ABC a de limites aussi tels que sa complexité, son coût d’implantation et la difficulté à grouper les activités et trouver les bons inducteurs de coûts.    
LCC + ABC :
L’idée de fusionner l’approche LCC et ABC permet d’élargir le concept des coûts du berceau au tombeau tout en les estimant dans chaque activité. Donc, les coûts environnementaux seront alloués aux produits qui les causent et non pas à tous les produits. De cette façon, on pourra distinguer les produits qui sont plus polluants ou qui risquent d’entrainer plus de coûts dans le futur dans la phase d’élimination du produit par exemple, et par conséquent, la direction pourra prendre des décisions plus éclairées, soit de sous-traiter une partie de la production, de faire payer aux consommateurs une prime pour les produits polluants qui entrainent plus de coûts, de privilégier les produits plus verts, entre autres.
Par exemple, Arisoy et al., considèrent que l’utilisation de ces deux outils (LCC analysis et ABC) est importante pour les décisions de sous-traitance. Ils affirment que « l’analyse des processus et l’application de l’ABC fournissent de l’information détaillée sur la structure des coûts présente; néanmoins, la décision de sous-traiter a un impact majeur sur la structure des coûts futurs d’un produit et le l’analyse LCC permet d’évaluer les alternatives selon les bénéfices futurs » p. 5. 
Le LCC exige que « tous les coûts passés, présents et futurs (en particulier les environnementaux), soient inclus dans l’analyse de rentabilité d’un produit » (Kreuze et Newell, 1994 : 41). Il est vrai qu’estimer les coûts futurs est une tâche difficile, mais il y a des méthodes pour les faire et que le taux d’actualisation utilisé peut aussi causer des controverses; cependant, si l’on les prend en considération, l’organisation agira de manière proactive et pourra faire des prévisions sur ce qui peut arriver dans le moyen et long terme.
En plus, trouver les bons inducteurs des coûts pour chaque activité peut aussi entrainer des difficultés et de la subjectivité, mais lorsqu’il n’y a pas une gamme des produits trop large, c’est un outil de gestion faisable et très utile. Aussi, il faut être conscient qu’il est probable que le cadre législatif soit renforcit dans le futur proche et donc, il vaut mieux pour les entreprises d’être prêtes.
L’idée est de ne pas sur ou sous — estimer les coûts, comme l’on vient de le dire ces approches impliquent de l’incertitude à cause des hypothèses sur le comportement des coûts dans le long terme, mais selon Emblemsvag[2] (2003), « la simulation de Monte-Carlo est une méthode utile aux fins de gestion des coûts qui permet de modéliser l’incertitude des variables d’entrée du modèle de cycle de vie en utilisant des distributions de probabilité afin de mesurer numériquement l’effet de cette incertitude sur les variables de sortie » (Lindholm et Soumala, 2007 : 656).
Donc, le LCC élargit l’analyse qui se fait avec l’ABC afin de considérer les coûts futurs, qui peuvent inclure les niveaux 2 et 3. Ceci permet de fournir à la direction de l’information sur les coûts de produits plus précise, ainsi que sur les activités qui n’ajoutent pas de la valeur dans le but de maximiser la rentabilité, minimiser les coûts ainsi que les risques et devenir éco responsables. 


Pour conclure, voici un schéma tiré de CMA Management qui montre les méthodes pour mesurer les coûts environnementaux selon ce que les entreprises veulent faire.  
Source : Rannou et Henri, 2010 : 31

RÉFÉRENCES : 
  • Arisoy Ozlem, N. Mehmet Gokhan, Kim LaScola Needy, and Bopaya Bidanda. Activity Based Costing and Life Cycle Costing in Outsourcing Decision Analysis. Department of Industrial Engineering. University of Pittsburgh. Pittsburgh, PA 15261, USA. 
  • Caron, Marie-Andrée; Fortin, Anne; Ferchichi Mohamed Nars-Eddine. Le comptable et la responsabilité sociale de l’entreprise: une question de connaissances ou des compétences? Revue Gestion, Été 2006, 31, 2, p. 92 
  • Kreuze, Jerry G; Newell, Gale E. ABC and life-cycle costing for environmental expenditures. Strategic Finance; Feb 1994; 75, 8. 
  • Lindholm Anni and Petri Suomala. Learning by costing: Sharpening cost image through life cycle costing? Tampere University of Technology, Cost Management Center, Institute of Industrial Management, Tampere, Finland. International Journal of Productivity and Performance Management, Vol. 56 No. 8, 2007, pp. 651-672. 
  • Rannou, Clémence et Jean-François Henri. The better way to measure environmental costs. CMA Management. June-July 2010. 

[2] Jan Emblemsvag est l’auteur du livre « Life-Cycle Costing : Using Activity-Based Costing and Monte Carlo Methods to Manage Future Costs and Risks »



Les indicateurs de performance environnementale

L’homme vient de se rendre compte tardivement que « sa prospérité n’est plus limitée[1] par ses prouesses industrielles mais par son capital naturel ». Des actions diverses sont initiés par les différents acteurs de la sphère économique : des contraintes par des règlements gouvernementaux, des normes ISO par des ONBL, des campagnes de sensibilisation des consommateurs...etc. ; autant de raisons et de pressions sur les entreprises les incitant à revoir leurs plans d’affaires, puisque l’on ne peut plus se permettre de continuer de « liquider notre capital et de l’appeler revenue »[2].
Dans le coffre à outils que nous nous proposons de vous fournir dans ce blog, les IPE’s ou indicateurs de performance environnementale, sont incontournables. Nous les présenterons selon deux approches : celle du tableau de bord équilibré développé par Scott D.Johnson (1998), qui est un dérivé « vert » de celui de Kaplan & Norton. Et celle présenté par Azzone et Nocci (1996) qui développent les indicateurs selon un cadre intégré.
Dans son article : « Identification and selection of environmental performance Indicators : Application of the balanced scorecard approach [3] » : Johnson souligne que les mesures reliées à la conformité s’apparente à un regard vers l’arrière, et fait manquer à l’entreprise des occasions d’améliorer sa compétitivité. Dans l’analogie qu’il fait avec le tableau de bord de Kaplan & Norton, il ajoute à l’axe clients l’élément de meneurs d’enjeux tel que déjà mentionné par Atkinson et al.[4]  Mais plus spécifiquement encore, il cible les officiels et régulateurs, les organisations environnementales et les communautés avoisinantes. Pour intéresser les cadres de l’entreprise, les IPE doivent relier la performance environnementale aux performances financières.
Il a développé un tableau de bord générique, qui pourrait être adapté à toutes les industries. Il conseil de commencer avec des mesures qui sont accessibles, puis déterminer lesquels sont critiques et pertinentes, et insiste sur le fait que les mesures opérationnelles doivent être normalisées  pour permettre la comparabilité : par exemple le poids des émissions polluantes doit être donné en fonction des dollars de vente ou du nombre d’unités produites. En ce qui concerne le volet humain de l’application des IPE, il invite les différents départements à ne pas travailler en silo, et que les employés de l’équipe environnementale travail étroitement avec ceux de l’équipe opérationnelle, si l'on ajoute à cela des incitatif relies à l’attente des objectifs de ce tableau de bord ; la synergie n’en sera que plus forte.

Table 1 : tableau de bord environnemental équilibré (Johnson 1998).
Dans la deuxième approche présenté par Azzone et Nocci dans leur article : « Defining Environmental Performance Indicators : An Integrated Framework[5] », les auteurs choisissent comment point de départ de leur argumentaire : les limitations actuelles des rapports environnementaux et la nécessité de recourir aux IPE, pour à la fois : les soutenir et les évaluer.
 Les rapports environnementaux sont souvent considérés par leurs émetteurs comme une initiative louable visant à démontrer aux meneurs d’enjeux, les efforts consentis par l’entreprise pour se conformer à leurs souhaits d’une gestion plus éco-responsable. Des rapports de plusieurs dizaines de pages joliment élaborés et imprimés sur du papier recyclable, tentent vainement – pour un lecteur avertit- de prouver la bonne foi et la performance de leur « vertitude ». Le manque de clarté de ses rapports est dû à la complexité des questions environnementales et la difficulté de la mesure dans ce domaine, et pour certain le manque de bonne foi.
Le cadre préconisé par cette approche est constitué par : la politique environnementale, le système de gestion environnementale et enfin l’Écobilan. Chaque élément de ce cadre est relié à des Indicateurs de performance, d’où la notion d’intégration. Lors de la fixation de la politique environnementale, le gestionnaire peut s’aider en cela avec la liste élaborer par Michael [6]Brophy (1995), qui présente 25 axes de réflexion auxquels on peu attacher indicateurs qualitatifs. L’étude de l’impacte des activités de l’entreprise sur l’écosystème et les ressources naturelles est une étape postérieure à la formalisation de la politique, et permet d’identifier comment elle influencera tout ce qui est extérieur aux limites corporatives.
Le systéme de gestion environnementale corporatif doit indiquer l’importance relative des questions environnementales au sein de la haute direction et son niveau d’engagement ainsi que sa capacité à contrôler les risques qu’elle fait peser sur la planète. L’éco bilan lui permet d’évaluer les retombés écologiques des produits et des processus de production. L’article abonde en mesures qualitatives, physique ou quantitative économique (en dollars) qui s’applique au cadre déjà énoncé.
D’autres approches existent, mais il y n’en demeure pas moins qu’il y a deux choses sur lesquels s’accorde la majorité de ceux qui on traité du sujet : la difficulté de la mesure et de la délimitation des frontières corporatives quand il s’agit de traiter de la performance environnementale. 


Le mot de la fin
Bien que les outils proposés dans ce blog représentent de pistes de solution intéressantes pour gérer les coûts environnementaux et le problème d’externalités, des efforts supplémentaires sont demandés de toutes les parties prenantes (gouvernement, normalisateurs, organismes supranationaux, entreprises, société civil) afin de se rapprocher à un équilibre social qui est souhaité, mais difficile à atteindre.



[1] Natural capitalism  Par Paul Hawken,Amory B. Lovins,L. Hunter Lovins. 
[2] Ibid. 
[3] In Corporate Environmental strategy, Vol 5, n°4, 1998 
[4] A stakeholder approach to strategic performance measurement.Atknison,Waterhouse et Wells in SloanManagement review/spring 1997 
[5] in Business Strategy and the Environment, Vol. 5, 69-80 (1996) 
[6] Brophy, M. (1995) Review of UK environmental policies 1994-1995, Business and Environmental abstracts